Dans le cadre du présent exercice, je présenterai mes états d'âme quant à un passage du second roman de Guillaume Vigneault, auteur de Chercher le vent.
L'extrait va comme suit :
« Logiquement, quand un type fait deux mille kilomètres pour voir une fille et, par une chance inouïe, la retrouve au beau milieu de Disneyworld, bien, ce type, il lui parle, à la fille. En fait, il se lève d'un bond, il court, il bouscule des enfants sur son passage (avec une joie mesquine, mais c'est un secret), il assomme Goofy qui lui barre la route, il attrape la fille par une épaule, savoure son regard médusé, l'embrasse sur la bouche comme un mufle, il l'emmène au Mexique, l'épouse et lui fait des enfants, si ce n'est trop demander. Trois enfants, trois enfants nus, solaires, analphabètes et heureux. Il ne la laisse pas disparaître comme ça, en la regardant s'éloigner, en murmurant son nom tout doucement, comme on fredonne un air de Trenet. Ce type-là, qui est en train de choisir des prénoms d'enfants, qui tripote un peigne au fond de sa poche, ce type-là n'est pas bien. C'est à lui que je pensais lorsque je l'ai perdue de vue. »
À première vue, il va de soi que le ton utilisé est très moderne, ancré dans notre réalité. Les lieux et les personnages nommés nous sont familiers, les mots s'enchaînent de manière fluide, la rhétorique est plutôt simple. Bref, le personnage invite tous les lecteurs, sans exception, dans son cri du coeur.
Pour amorcer le paragraphe, l'auteur a opté pour une longue phrase ponctuée de virgules. Un peu comme si les idées du personnage se déplaçaient tellement vite dans son esprit qu’il avait de la difficulté à les retranscrire à l'aide de belles phrases concises...
La plume de l'auteur est chaleureuse, envoûtante. Elle réveille nos sens et adoucit l'âme. Guillaume Vigneault a un talent fou.
Il s'agit d'une idéalisation d’une scène décisive de la vie du personnage principal, qui pourrait chambouler l’ordre établi. Le personnage rêve, mais on saisit, à la fin de l'extrait, qu'il est tristement rattrapé par la réalité.
Parce l’utopie, la sienne, s’éloigne souvent de la réalité. Les revirements de situation, les fissures au coeur demeurent omniprésents dans sa vie.
Il va sans dire que cet extrait m’a touché. J'y ai vu ici une saine folie qui mène toutefois à une subtile déception.
Nous ne sommes pas dans de langoureux poèmes arides, difficiles à décrypter. Non, nous avons sous les yeux un vocabulaire accessible, des idées claires et un personnage chamboulé qu’on peut aisément représenter dans notre propre tête. On peut s’y identifier, on peut l’aimer, on peut le détester. Bref, il ne laisse personne indifférent.
Solide analyse… J'adore l'extrait!
RépondreSupprimer